Comment l’imprimerie de Gutenberg s’est-elle diffusée dans le monde entier ?

Dans cet article, je vous explique comment l'imprimerie s'est-elle diffusée dans le monde entier. En effet, la diffusion de l'imprimerie s'est faite plus ou moins rapidement. En Europe, les premières imprimeries ont rapidement vu le jour, ce qui n'est pas le cas pour le monde musulman ou l'Asie.

IMPRIMERIE AU MOYEN-ÂGELA FRANCE DU MOYEN-ÂGEINNOVATIONS HISTORIQUES

Loïc

5/22/20253 min read

livre incunable diffusion imprimerie
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Avant Gutenberg : un monde où lire était un privilège

Avant le milieu du XVe siècle, avoir un livre était un luxe. Littéralement. Un seul manuscrit pouvait coûter autant qu’une maison (non, ce n’est pas une image). Pourquoi ? Parce que tout était fait à la main, par des moines copistes ou des artisans urbains. Et même avec l’aide de la xylographie (des blocs de bois gravés, qui est une innovation chinoise), la production restait lente, coûteuse et peu fiable.

Mais dès le XIIIe siècle, la situation commence à évoluer :

  • Les universités se multiplient en Europe.

  • Les laïcs veulent des livres (juridiques, religieux, pratiques).

  • Le papier remplace peu à peu le parchemin (moins cher, plus pratique).

  • La bourgeoisie naissante veut s’instruire et consommer du savoir.

  • Les commerçants deviennent la nouvelle classe moyenne, et sont en demande de lecture pour développer leur commerce.

Bref, l’Europe est en demande. Il ne manquait plus qu’une technologie efficace pour faire face.

Gutenberg entre en scène : l’invention qui change tout

Johannes Gutenberg, orfèvre allemand, met au point entre 1440 et 1455 une majeure innovation, l’imprimerie à caractères mobiles métalliques. Il combine :

  • Une presse inspirée des pressoirs à vin,

  • Une encre grasse qui adhère au métal et au papier,

  • Des caractères mobiles fondus dans du plomb, étain et antimoine.

Son chef-d’œuvre ? La Bible à 42 lignes, imprimée entre 1452 et 1454. Mais le pauvre homme perd tout dans un procès contre son investisseur Johann Fust en 1455. Fin du monopole, début de la révolution.

L’explosion européenne : une ruée vers l’impression

Privé de ses droits, Gutenberg voit son invention se répandre comme une traînée de poudre. Dès les années 1460-1470, ses anciens collaborateurs (Peter Schöffer, Konrad Sweynheym, Ulrich Zell...) s’installent dans d’autres villes. Et c’est parti :

  • Cologne en 1466

  • Rome en 1467

  • Venise en 1469

  • Paris en 1470 (merci la Sorbonne)

  • Cracovie et Buda en 1473

  • Londres en 1477

En 1500, on recense plus de 1000 presses en Europe, avec plus de 20 millions de livres imprimés. Et ces chiffres ne font qu’augmenter.

Pourquoi une telle accélération ?

Plusieurs facteurs jouent en synergie :

  • Le besoin : universités, marchands, religieux et érudits veulent du texte.

  • Le coût : produire un livre est désormais 10 fois moins cher.

  • Le contexte : la Renaissance souffle sur l’Europe, avec son goût pour les textes anciens et la pensée critique.

  • La circulation : les foires, les routes commerciales, les migrations d’imprimeurs facilitent la diffusion.

La diffusion de l’imprimerie hors d’Europe : plus lente, mais globale

Là, ça ralentit. L’Europe, moteur de la révolution, exporte l’imprimerie par le biais des missionnaires, des commerçants et des colons.

En Amérique

  • Mexico City : première presse dès 1539 (ou 1544).

  • Lima : presse active en 1581.

  • Guatemala : premières impressions en 1660.

  • Cherokee Phoenix : en 1828, Elias Boudinot publie le premier journal amérindien en cherokee et en anglais.

En Asie

  • Inde : les Jésuites installent une presse à Goa en 1556.

  • Chine et Japon : l’impression à blocs est déjà présente, mais l’imprimerie européenne pénètre lentement.

  • Obstacles techniques : impossible de créer rapidement des caractères mobiles pour chaque script local (alphabet trop varié pour l'impression à caractères mobiles).

Dans le monde musulman

Ici, les obstacles sont à la fois religieux et culturels.

  • Interdiction formelle de l’impression en arabe dans l’Empire ottoman jusqu’en 1729.

  • Peur de l’altération des textes sacrés.

  • Désintérêt pour les textes profanes imprimés.

Afrique et Pacifique

  • Afrique du Nord : imprimeries hébraïques à Fez dès 1516.

  • Afrique subsaharienne : premiers textes vers 1795 au Cap.

  • Pacifique : Tahiti en 1818, Hawaï en 1821, Nouvelle-Zélande en 1835.

Une conséquence : la fin du Moyen Âge ?

Petite question existentielle : est-ce que l’imprimerie s’est diffusée parce que le monde changeait ? Ou est-ce l’imprimerie qui a fait changer le monde ?

Spoiler : les deux. L’invention arrive dans un contexte de mutation : crise de l’Église, émergence de la pensée individuelle, désirs d’instruction. Mais en retour, elle accélère tout :

  • La Réforme protestante (merci Luther et ses thèses imprimées).

  • La standardisation des langues (on imprime en italien, français, allemand, etc.).

  • La circulation des idées politiques (bonjour les Lumières).

  • Et la démocratisation du savoir, qui annonce les révolutions à venir.

Conclusion : Gutenberg a-t-il changé le monde ?

Clairement, oui. Mais pas seul. Son invention a répondu à une demande préexistante. Et c’est parce que des imprimeurs, des marchands, des intellectuels et des religieux se sont emparés de cette machine qu’elle s’est diffusée aussi largement.

Et aujourd’hui, alors qu’on passe plus de temps à swiper qu’à lire, il n’est pas inutile de se souvenir que tout a commencé par des petites lettres en plomb fondu, alignées une à une, avec patience. Comme quoi, les révolutions ne sont pas toujours bruyantes. Parfois, elles impriment en silence.

Crédit image : Framorille, « Colophon et marque d'imprimeur d'un incunable traitant d'astronomie », 2018. Bibliothèque universitaire de Bordeaux. Source : Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 4.0.